De Berlin à Moscou
La franc-maçonnerie a, très souvent, déchaîné les foudres des systèmes, des idéologies et, a fortiori, des régimes totalitaires. A ce titre, elle a été condamnée à la fois par les régimes de nature communistes (à l’exception notoire de Cuba !) et par les régimes fascistes et nazis.
En 1922, le congrès de l’Internationale communiste, à la demande de Zinoviev, interdit la double appartenance au parti communiste et à la franc-maçonnerie. La plupart des francs-maçons communistes résisteront pourtant en France comme en Belgique à ces pressions. Des loges de réfugiés russes – issus de loges fermées en Russie par les bolcheviques – se reconstituent en France : « Astrée » à la Grande Loge, « l’étoile du Nord » et « la Russie libre » au Grand Orient.
Dans l’entre-deux guerres mondiales, en Belgique comme en France, les mouvements d’extrême-droite se mobilisent et dénoncent la franc-maçonnerie supposée être tout à la fois à la solde des communistes ou du judéo-capitalisme : c’est le fameux complot « judéo-maçonnique » que l’on retrouve dans les écrits et propos de la presse de droite qui va, chez nous, publier des listes de francs-maçons ou supposés tels… Ce sera le cas du quotidien catholique de l’époque La Libre Belgique. Ces listes serviront à l’occupant et aux collaborateurs du nazisme pour s’emparer des maçons ; plusieurs d’entre eux le paieront de leur vie. D’importantes expositions anti-maçonniques circuleront dans toute la France et en Belgique.
En France, un service des sociétés secrètes est organisé en 1941. Il étudie les archives confisquées et publie une revue « Les documents maçonniques » qui voit dans la franc-maçonnerie l’une des causes principales de la défaite. Une loi de 1941, en France, applique le « statut des juifs » aux francs-maçons. Le film anti-maçonnique « Forces occultes » est réalisé et projeté à Paris en 1943.
Certains nazis comme Himmler ou Rosenberg étaient persuadés, par ailleurs, que la franc-maçonnerie détenait un secret ésotérique capable d’aider les nazis à créer un surhomme et un Reich de mille ans ! Voilà pourquoi les papiers, livres et documents saisis aux sièges de la franc-maçonnerie ou aux domiciles des maçons seront concentrés d’abord dans des services ad-hoc à Bruxelles ou à Paris, puis acheminés vers Berlin ou Pozen (Poznan en Pologne). Les communistes s’en empareront à la chute de Berlin et rapatrieront ces archives précieuses des loges occidentales à Moscou. Elles y furent consciencieusement inventoriées et classées. Puis oubliées…
Il y a quelques années, les ministres belges et français des affaires étrangères ont pu négocier avec Moscou le rapatriement de ces Archives. Aujourd’hui, ces documents sont prêts à être inventoriés et, surtout, digitalisés pour étude et publication éventuelle et restitution d’originaux ou de copies aux loges concernées.
A voir: le documentaire “La mémoire volée des francs-maçons”
Réalisé par Jean-Pierre Devillers
Ecrit par Eric Giacommetti & Jacques Ravenne
2016